Les enjeux de la transparence des algorithmes dans le cadre du RGPD : garantir l’information des utilisateurs face aux traitements automatisés
À l’ère du numérique, les algorithmes régissent une part croissante de nos vies : décisions de crédit, recommandations personnalisées, modération de contenus, recrutement automatisé… Ces traitements automatisés, souvent opaques, soulèvent de nombreuses questions éthiques et juridiques, notamment en matière de protection des données à caractère personnel.
De part son champ d’application, le Règlement général sur la protection des données, en vigueur dans l’Union européenne depuis 2018, encadre les processus algorithmique afin d’en garantir la transparence. Mais qu’implique réellement cette exigence de transparence algorithmique pour les entreprises ? Comment informer les utilisateurs de manière claire et accessible, sans pour autant divulguer des secrets industriels ou techniques ?
Découvrez dans cet article les différents enjeux et défis que pose la transparence algorithmique, ainsi que les conseils de nos experts consultant RGPD afin d’y répondre efficacement.
Une obligation de transparence confrontée à la complexité technique
Le RGPD impose aux responsables de traitement une obligation de transparence sur la manière dont les données personnelles sont collectées et traitées, tout particulièrement lorsqu’elles sont soumises à des décisions fondées exclusivement sur un traitement automatisé. L’article 5 1 du RGPD établit le principe fondamental de transparence : les traitements doivent être effectués de manière « licite, loyale et transparente » à l’égard de la personne concernée. Ce principe se décline notamment à travers les articles 12 à 14 2, relatifs à l’obligation d’information, et l’article 22 3, qui encadre spécifiquement la prise de décision automatisée.
Or, dans un contexte où les algorithmes, souvent complexes, propriétaires ou auto-apprenants, pilotent des prises de décision significatives, le respect de cette exigence pose des difficultés juridiques, techniques et éthiques.
L’information due à la personne concernée : entre clarté et intelligibilité
L’article 13 4 du RGPD impose que les personnes concernées soient informées « de l’existence d’une prise de décision automatisée, y compris un profilage », ainsi que « d’informations utiles concernant la logique sous-jacente », et des conséquences prévues de ce traitement. Cette exigence soulève immédiatement une tension : comment rendre intelligible un processus algorithmique potentiellement complexe, sans trahir la réalité de son fonctionnement ni compromettre des secrets industriels ?
La notion de « logique sous-jacente » ne doit pas être comprise comme une exigence de divulgation du code source ou des détails techniques du modèle. Il s’agit avant tout d’une obligation de clarté sur les grandes lignes de fonctionnement, les critères déterminants, et l’impact de la décision sur l’individu et sa vie privée. Le CEPD précise dans ses lignes directrices sur le profilage, qu’il est attendu des responsables de traitement qu’ils fournissent une information « suffisamment complète pour que la personne concernée comprenne les raisons de la décision ».
Une information souvent lacunaire dans la pratique
Dans les faits, les plateformes numériques semblent avoir des difficultés à satisfaire pleinement à ces exigences. Les notifications d’information relatives aux traitements automatisés sont souvent génériques, peu contextualisées, et rédigées dans un langage technique ou juridique inaccessible pour le grand public. Ce manque de lisibilité affaiblit le consentement éclairé, compromet l’exercice des droits (accès, opposition, rectification) et nuit à la confiance dans le traitement.
Par ailleurs, certains services numériques recourent à des pratiques qui masquent la portée réelle des traitements automatisés. Par exemple, une décision présentée comme « validée par un conseiller » peut, en réalité, résulter d’un scoring algorithmique. Cette ambiguïté va à l’encontre de l’exigence de loyauté et de transparence imposée par le RGPD.
Vers une transparence opérationnelle et contextualisée
Pour être conforme, la transparence algorithmique ne peut être seulement formelle. Elle doit être opérationnelle, c’est-à-dire ancrée dans l’expérience utilisateur, et contextualisée, adaptée à la situation concrète de traitement.
Cela implique :
- d’expliquer la finalité du traitement algorithmique, comme par exemple : « ce système recommande les contenus en fonction de votre historique de navigation sur les sept derniers jours »
- de décrire les principaux critères utilisés par l’algorithme, comme par exemple : « vos préférences passées, votre localisation et votre tranche d’âge »
- d’indiquer les effets concrets de la décision automatisée comme par exemple : « ce classement peut influencer les produits affichés en priorité et le prix proposé »
- d’offrir une voie de recours humain lorsque la décision produit des effets juridiques ou significatifs tel qu’imposé par le règlement
La transparence des algorithmes n’est donc pas une simple exigence documentaire. Elle constitue une condition de licéité du traitement et un élément central de la responsabilisation des acteurs numériques. Le RGPD impose non seulement d’informer, mais aussi de le faire de manière compréhensible, utile et exploitable.
Dans un contexte de défiance croissante à l’égard des technologies prédictives et des systèmes opaques, assurer une transparence réelle sur les traitements automatisés devient un levier stratégique de confiance et de conformité. Pour les organisations, cela suppose un dialogue renforcé entre les équipes juridiques et techniques afin de bâtir des interfaces qui rendent visibles les choix algorithmiques et qui respectent pleinement les droits des personnes.
Sources
1 RGPD article 5, site de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
2 RGPD articles 12 à 14, site de la CNIL
3 RGPD article 22, site de la CNIL
4 RGPD article 13, site de la CNIL